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Le blog de François Meunier

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Volkswagen + réfugiés : le choc keynésien tant attendu ?

Article publié le 16/01/2016

On ne sait encore le montant des indemnités et amendes que le groupe Volkswagen (VW) devra acquitter suite au scandale de la manipulation des tests. Les chiffres les plus divers circulent, dont certains dépassent aisément les 80 Md€. Le montant est gigantesque. Le cout pour BP pour la marée noire dans les Caraïbes est estimé à « seulement » 40 Md$ (35,7 Md€), dont 20,8 Md$ qui vient de faire l’objet d’un accord au titre de dédommagement pour les administrations américaines.

On sait par contre que près d’un million de réfugiés venus du Proche-Orient ont été aspirés par l’Allemagne, et que là encore, le gouvernement fédéral et les Länder vont lourdement dépenser pour la logistique de l’accueil. On parle de 15 Md€.

Côté VW, les dommages économiques et industrielles pour l’Allemagne dépassent de loin le seul cas du groupe VW. L’incertitude générée n’est pas une bonne nouvelle. Mais pour le reste, l’addition des 80 Md€ ne serait-elle pas une bonne chose, la manne céleste qu’on attendait ?

Côté réfugiés, le bilan à long terme est complexe à établir, mais il en va du futur de l’industrie allemande de ne pas se trouver avec une force de travail pénalisée par la démographie autochtone déclinante. Et à court terme, il y a les dépenses liées à l’accueil, une autre petite manne.

Disons donc 100 Md€ au total, soit 3,3% du PIB allemand. Un vrai plan de relance.

C’est l’occasion de reprendre les termes d’un débat que les événements récents ont fait passer à l’arrière-plan. L’Allemagne a eu en 2014 un solde commercial de 217 Md€, soit plus de 7% de son PIB, un chiffre qui risque fort d’approcher les 9% en 2015 et qui pulvérise le record de tous les pays (la Chine est désormais quasiment à l’équilibre, pour donner une référence). Les réserves de la Bundesbank auprès de la BCE (son compte dit Target 2, une sorte de substitut de réserves de change) s’élèvent à 555 Md€.

En bref, si VW est Das Auto, l’Allemagne est Das Export, forte d’une compétitivité et d’une qualité industrielle hors pair (au détail près des trucages de tests). Mais aussi, d’une stratégie résolue, initiée au début des années 2000, de restriction de sa demande intérieure. Une stratégie qui se maintient aujourd’hui, précisément à un moment où la zone euro aurait besoin d’éléments de relance pour faciliter sa remise sur pied budgétaire.

Il y a ainsi une dissymétrie entre l’Allemagne et la plupart des autres pays de la zone euro, voire de l’OCDE : l’ajustement des conjonctures, aux fins de rétablissement des comptes publics, se fait par le bas, c’est-à-dire par austérité en dehors de l’Allemagne, et non par le haut, c’est-à-dire par un partage raisonnable entre austérité chez les pays en déficit et relance dans les pays en excédent. Il n’y avait pas cette dissymétrie au début des années 2000 : le rétablissement de l’Allemagne, appelée à l’époque l’homme malade de l’Europe, s’était fait par austérité en Allemagne, mais très largement par la forte croissance (bien imprudente) des autres pays européens.

Les 100+ Md€ font la moitié de l’excédent commercial d’une année. C’est du pouvoir d’achat pour les pays qui recevront cette somme, y compris pour les États-Unis qui n’en ont pas forcément besoin, mais qui montrent comment rétablir rapidement leurs comptes publics à cout d’amendes sur les grandes multinationales fautives. C’est un véritable plan de relance.

PS : On souhaite en écrivant cela que le scandale n’aille pas toucher Renault, auquel cas, par le même raisonnement, on aurait un autre petit plan de relance, cette fois pour la France. Quant aux dépenses liées à l’ouverture des frontières par le gouvernement français, c’est un tout petit filet d’eau.