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Le blog de François Meunier

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Accords de branche plutôt qu’accords d’entreprise : une réforme de gauche ?

Article publié le 26/02/2016

Sans discuter ici du contenu détaillé du projet de loi El Khomri sur le contrat de travail, on discute ici la proposition d’aller vers davantage de négociations au niveau de l’entreprise et moins au niveau de la branche, contre le principe cardinal du droit français du travail qui privilégie la branche comme lieu de négociations et n’accepte des accords d’entreprise que dans la mesure où ils sont plus favorables pour le salarié.

La gauche et les syndicats ont toujours soutenu les accords de branche par rapport aux accords d’entreprise pour deux raisons :

  • Au niveau de la branche, le poids personnel du patron et sa capacité de s’imposer aux salariés est moins fort,
  • Surtout, on limite la concurrence par le bas en matière sociale en mettant sur le même pied toutes les entreprises d’un même secteur, point qui, on va y venir, recevait également l’appui des syndicats professionnels.

Mais en sens inverse, on renvoie la discussion syndicats / patronat sur les conditions de travail à un échelon qui échappe à l’attention du simple salarié. Cela a l’effet de dépersonnaliser et de bureaucratiser le travail syndical, de faire que le syndicaliste d’entreprise n’apporte rien pour le salarié du rang qui ne soit déjà fait à un niveau plus élevé et donc plus abstrait pour lui. Le seul grain à moudre des délégués du personnel et du comité d’entreprise sont à la rigueur les salaires (mais souvent fixés au niveau de la branche) et quelques détails sur les conditions de travail.

Ce n’est pas forcément bon pour la vitalité syndicale. Il y a une certaine atrophie du syndicat, et donc une faiblesse de la position des salariés, à ce que les choses importantes ne soient pas discutées à un niveau qui leur soit proche. (Le même argument s’applique aussi pour les syndicats patronaux, très bureaucratisés.) D’où le paradoxe suivant : si les syndicats de salariés sont faibles, ils le sont également dans le cadre des négociations de branche, ce qui donne la main aux syndicats patronaux. L’accord de branche peut alors très facilement recéler des éléments de collusion entre les entreprises d’une même branche, ce qui est commode pour évincer les nouveaux entrants qui s’introduisent latéralement dans la branche d’activité.

On aurait bien-sûr souhaité que cette déconcentration du lieu où se négocie le contrat de travail s’accompagne de mesures visant un renforcement du pouvoir syndical dans l’entreprise. On ne voit rien de tel dans le projet de loi.